La petite marchande de porte clefs
Sa mère voulait attendre et la marier
Son père voulait la pendre ou la noyer
Un seul enfant par foyer
Il voulait un garçon
Mais sa connasse de femme a fait le taff qu’à moitié
A la campagne on a besoin d’hommes forts pour travailler
Pas d’une bouche à nourrir, pas d’une pisseuse bonne qu’à chialer
C’est presque impossible de vivre à trois
Une fille unique, c’est perdre son nom de famille
C’est la honte pour un villageois
Qu’est ce qu’il pouvait faire d’un déchet humain ?
Lui éclater le crâne entre deux pierres, l’enterrer a côté du chien ?
Il partit emprunter une pelle chez son voisin
Mais son voisin lui dit d’attendre
Il lui dit qu’il pourrait la vendre
Et la chance leur sourit
Un marchand leur proposa d’acheter l’enfant pour la vendre à des touristes
Ils l’ont lâché pour environ un tiers de SMIC français
Le soir de son départ, mélancolique, sa mère chantait
Refrain :
Dang wo yi.ran bu.yong zai yan.shi shang.hen
duo zai kong.dong fang.jian liu.zhe yan.lei jin.jin guan.shang men
Douze ans plus tard la jeune fille dort tranquillement chez son hôte
Son réveil ? C’est un grand coup de pieds dans les côtes
Son petit dèj ? C’est du pain à la vapeur et de l’eau
Puis direction la salle des machines pour rejoindre les autres
Elle s’est jamais faite adopter par deux riches occidentaux
Son propriétaire l’a élevée, l’a gardée sous le manteau
Neuf dans le même endroit
Sa chambre ? Des caisses en bois
A huit ans elle a décroché son premier emploi :
Une sorte de garderie où on fabrique des shorts de foot
Avec ses mains en formes de pieds à force de coudre
Avec sa colonne vertébrale en forme de voûte
Vingt minutes de pause déjeuner, un peu de riz, un bol de soupe
Interdiction de parler, à peine le droit de faire des gestes
Elle doit garder la tête baissée pour s’adresser à ses chefs
Le bruit la hante au point qu’elle entend plus quand il s’arrête ;
Pour pas sombrer dans la folie elle chante cette chanson dans sa tête :
Refrain :
Dang wo yi.ran bu.yong zai yan.shi shang.hen
duo zai kong.dong fang.jian liu.zhe yan.lei jin.jin guan.shang men
De retour dans son village natal après dix années
En quête d’un cocon familial, à la recherche de son passé
Finalement, son maître lui apprit qui elle était vraiment
Juste avant qu’il aille finir sa vie dans les geôles du gouvernement
Son usine s’étant faite démanteler discrètement
La presse n’étant pas autorisée à couvrir l’événement
Bref, la plupart des gens du village avaient levé le camp
Partis loin, ouvrir des restaurants ou divers magasins de vêtements
Pour les rejoindre elle traversa des océans
Frôla la mort, laissant son destin voguer au gré des vents
Sans personne, sans argent, sans carte d’identité
De toutes façons elle avait pas de nom, à part « La mendiante bridée »
Après avoir contracté presque toutes les maladies
Elle atterrit miraculeusement à Paris
Je rentrais chez moi après le travail, à la tombée de la nuit
Quand nos regards se sont croisés, elle s’est approchée et m’a dit :
« Hum, excusez moi Monsieur, Porte-clefs, Deux euros ?
-Euh non, désolé, j’ai rien sur moi, bonne soirée !»
Refrain :
Dang wo yi.ran bu.yong zai yan.shi shang.hen
duo zai kong.dong fang.jian liu.zhe yan.lei jin.jin guan.shang men